DISTRICT DE BUBI, Zimbabwe – Pendant des années, Tjedza* a subi des violences sexuelles de la part de son père. Clara*, une femme âgée, a été violentée par son fils. Quant à Tabeth*, sa vie conjugale a été marquée par les violences perpétrées par son mari.
« Il me disait des choses affreuses devant mes enfants », se souvient Tabeth. « Il menaçait de me tuer, en disant qu’il mettrait le feu à la maison avec moi à l’intérieur. Il répétait ça tout le temps, depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. »
Ces violences, et bien d’autres, sont restées invisibles pendant trop longtemps. Pourtant, dans les zones rurales du Zimbabwe, les services de soutien aux survivantes de violence basée sur le genre sont souvent inaccessibles. Les survivantes doivent généralement parcourir de longues distances pour trouver de l’aide, et lorsqu’elles y parviennent, elles risquent d’être confrontées à de la stigmatisation et à des reproches de la part des personnes qui sont pourtant censées les protéger.
Aujourd’hui, cependant, les années de crainte et de silence ont pris fin pour Tjedza, Clara et Tabeth.
Une initiative du district zimbabwéen de Bubi, appelée Women at the Centre, améliore l’accès à des services essentiels de protection et de soutien, ainsi que la qualité et la prestation de ces services. Désormais, lorsqu’une survivante reçoit des soins respectueux et se voit protégée, cela encourage les autres à parler elles aussi.
« Je n’ai eu le courage de faire un signalement qu’après avoir vu les soins reçus par les autres survivantes, et avoir constaté qu’elles allaient beaucoup mieux », témoigne Tjedza.
Remettre à flot un système d’intervention défaillant
Women at the Centre est mis en œuvre par l’UNFPA, l’agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive, avec le soutien de Takeda Pharmaceuticals. Cette initiative sur quatre ans renforce les systèmes de prise en charge de la violence basée sur le genre dans cinq pays, en se concentrant sur les groupes marginalisés comme les femmes et filles en situation de handicap, les communautés rurales et les adolescentes.
Au Zimbabwe, ce projet fonctionne avec des partenaires locaux du district de Bubi, afin d’apporter ces services directement aux communautés marginalisées et rurales. Ainsi, l’UNFPA travaille avec Musasa, une association locale de défense des droits des femmes, et avec World Vision Zimbabwe, afin de déployer des centres polyvalents mobiles, c’est-à-dire des structures itinérantes qui proposent tous les services nécessaires aux survivantes : prise en charge des dossiers, soutien psychosocial, soins médicaux tels que la prise en charge clinique des cas de viol, et assistance juridique pour les ordonnances de protection et les passages au tribunal.
Offrir tous ces services sous un même toit est fondamental, car le système existant est trop souvent éparpillé. Ainsi, Tabeth a pu bénéficier d’un accompagnement et d’une mise en sécurité.
« Après des années de violences, on m’a aidée à obtenir une ordonnance de protection, et depuis j’ai le cœur plus léger », déclare-t-elle. « L’accompagnement a été très bénéfique aussi. Les prestataires m’ont témoigné beaucoup de respect. »
Depuis son lancement en 2023, le programme Women at the Centre est devenu une bouée de sauvetage pour les femmes et filles marginalisées de Bubi.
« Ce programme ne m’a pas seulement sauvé la vie, il m’a aussi rendu ma dignité », affirme Clara*.
Former une nouvelle génération d’intervenant·e·s en violence basée sur le genre
Atteindre les survivantes n’est que la première étape.
Pour créer un changement durable, le Zimbabwe a besoin de personnel plus qualifié pour traiter les cas de violence basée sur le genre avec expertise, et en montrant de l’empathie pour les femmes et les filles dans toute leur diversité.
En décembre 2024, l’UNFPA a commencé à travailler avec le gouvernement, le Conseil des travailleuses et travailleurs sociaux et huit institutions académiques pour développer un programme de formation pour la prise en charge de la violence basée sur le genre, en suivant des recommandations internationales pour une formation préalable puis continue du personnel social.
Cette année, au mois de juin, l’UNFPA a organisé un atelier de formation des formateurs et formatrices à Bulawayo, avec des conférencier·e·s de huit universités zimbabwéennes, le ministère des Affaires féminines et le ministère de la Sécurité sociale, ainsi que des travailleurs et travailleuses sociales et du personnel de premiers secours.
Pendant cinq jours d’une formation intensive, ils et elles se sont immergé·e·s dans la prise en charge des cas axée sur les survivantes, en apprenant comment identifier et répondre à la violence basée sur le genre, coordonner les services juridiques, psychosociaux et de santé, et transmettre ces compétences à la prochaine génération de travailleuses et travailleurs sociaux.
« Avant, beaucoup d’entre nous n’avaient qu’une connaissance superficielle de la violence basée sur le genre », déclare le Dr Abel Matsika, responsable du travail social à l’Arrupe Jesuit University, à Harare, la capitale du pays. « Nous sommes désormais en mesure de former les élèves, et cela transformera nos communautés. »
Le programme de formation, développé avec le Conseil des travailleuses et travailleurs sociaux du Zimbabwe, attend désormais son accréditation. Les prochaines étapes seront l’expérimentation, l’évaluation et la mise à jour du programme, un processus déjà en cours.
Construire un avenir libéré de la peur
Ces efforts prouvent qu’un avenir meilleur est possible. Les survivantes sortent du silence, les communautés se mobilisent contre la violence basée sur le genre et les institutions zimbabwéennes s’engagent.
Le travail est cependant loin d’être terminé.
« Cela va plus loin que la réponse à une crise », explique Janneke Bienert, spécialiste de la violence basée sur le genre pour l’UNFPA au Zimbabwe. « Il s’agit de réinventer une société où les femmes et les filles vivent libres de toute violence. »
Pour les survivantes comme Tjedza, Clara et Tabeth, ce rêve est devenu plus réel que jamais. « Aujourd’hui, je sais que je ne suis pas seule », conclut Tabeth. « Et ça change tout. »
*Les prénoms ont été changés pour garantir l’anonymat et la protection des personnes