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Respirer enfin : en Somalie, des couveuses vitales transforment les soins néonatals
- 22 Juillet 2025
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MOGADISCIO, Somalie – « Je ne savais pas si elle allait s’en sortir. » Lorsque Faduma Mohamed a donné naissance à sa fille à l’hôpital de Banadir, à Mogadiscio, le silence qui a suivi l’accouchement a été terrifiant. Sa fille prématurée était toute petite, présentait un poids trop faible et respirait à peine.
Les médecins l’ont rapidement transférée dans le service de soins néonatals intensifs, dont Faduma a craint que son bébé ne revienne jamais.
Cela aurait pu être le cas quelques mois plus tôt, car le service manquait cruellement de ressources, ne disposant pas de matériel essentiel tel que des couveuses ou des appareils d’oxygénothérapie. Trop de mères avaient connu une situation similaire à celle de Faduma, voyant leur bébé lutter pour sa survie uniquement parce que l’équipement nécessaire n’était pas disponible.
« Lorsque ma fille a été placée dans la couveuse et qu’elle a reçu de l’oxygène, son état s’est amélioré », raconte Faduma à l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive, qui soutient l’hôpital. « Aujourd’hui, nous allons bien toutes les deux. »
« Maintenant, nous pouvons les sauver »
Malgré une chute de 50 % du taux de mortalité maternelle en Somalie ces 20 dernières années, trop de femmes enceintes peinent à accéder à des services essentiels de santé. Seuls 30 % des établissements publics de santé sont pleinement fonctionnels et peuvent fournir des soins obstétricaux et néonatals d’urgence, et près d’une femme sur 20 meurt au cours de la grossesse ou de l’accouchement. De plus, un tiers seulement des naissances sont encadrées par des professionnel·le·s qualifié·e·s.
Le Dr Mohammed Ibrahim Salad, chef du département des soins néonatals, explique que l’arrivée récente d’équipement de santé maternelle et néonatale permet à un plus grand nombre de bébés de recevoir les soins vitaux qui leur sont nécessaires pendant les premières heures de la vie.
Grâce à un financement du Royaume d’Arabie saoudite via KSrelief, de nouvelles couveuses, des rampes chauffantes, des unités d’oxygénothérapies et des outils de surveillance ont permis à l’hôpital de se doter de quatre unités supplémentaires de soins néonatals.
« Désormais, nous pouvons prendre en charge des centaines de bébés somaliens et somaliennes, en particulier né·e·s dans des familles qui ne peuvent pas payer des soins en hôpital privé », déclare le Dr Salad. « Nous devions auparavant en refuser. Maintenant, nous pouvons les sauver. »
L’impact de ce changement va bien au-delà des soins néonatals : dans les hôpitaux de Banadir et de Dayniile (à Mogadiscio), le mauvais éclairage et l’absence d’appareil d’anesthésie donnaient lieu à des périodes d’attente insupportables pour les femmes enceintes et les jeunes mères avant de pouvoir être opérées, notamment pour réparer des fistules obstétricales.
« Nous n’étions pas en mesure de les anesthésier correctement », précise le Dr Ahmed, chirugien en chef à l’hôpital de Dayniile. « Nous avons connu beaucoup de situations de crise dans lesquelles nous ne pouvions pas stabiliser les patientes. »
Aujourd’hui, grâce à des équipements modernes, des lits d’opération neufs et un meilleur éclairage, les médecins peuvent pratiquer des soins rapides et sûrs. « Nous pouvons enfin effectuer des interventions que nous ne pouvions pas faire auparavant », se réjouit le Dr Ahmed.
Une fille qui respire et l’espoir d’une mère
À la maternité, Nimca Mohamed Badane, sage-femme en chef, surveille une rangée de rampes chauffantes qui aident à stabiliser les nouveau-né·e·s. Elle se souvient de l’effet délétère de l’hypothermie, qui emportait beaucoup de bébés. « Nous pouvons désormais sauver plus de 99 % des bébés prématurés. »
Pour Faduma et sa fille, ces nouveaux équipements ont été bien plus qu’une amélioration technique : ils ont fait toute la différence entre espoir et désespoir.
« Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti », raconte Faduma, couvant sa fille du regard. « Mais aujourd’hui, dès que je l’entends respirer, je sais qu’elle est toujours là grâce à quelqu’un qui s’est préoccupé de notre sort. »
Des financements insuffisants qui menacent la survie des femmes et des nouveau-né·e·s
De nouvelles données de l’UNFPA montrent qu’entre 2000 et 2023, le nombre de décès maternels dans le monde a baissé de 40 %. Pourtant, plus de 700 femmes meurent encore chaque jour de causes évitables liées à la grossesse ou à l’accouchement. En Somalie, un pays frappé par des crises climatiques et qui connaît conflits et insuffisance chronique de financements, les progrès qui ont permis d’aider un plus grand nombre de femmes et de nouveau-né·e·s à survivre à l’accouchement risquent d’être stoppés par des coupes budgétaires drastiques.
Pour Maryama Mohamed Isse, qui est sage-femme et travaille dans un centre de santé maternelle du camp pour personnes déplacées du district de Dayniile (Mogadiscio), cette situation périlleuse des femmes enceintes à cause du manque de ressources est devenue bien trop concrète.
« L’un des moments les plus décourageants de mon travail, c’est lorsque les patientes ont urgemment besoin de soins, mais que nous n’avons pas le matériel médical nécessaire pour les aider correctement », confie-t-elle à l’UNFPA.
« Dans ces moments-là, je me sens désespérée, mais j’essaie quand même d’apporter mon aide avec mes propres moyens. Quand une mère vient vous voir et que vous ne pouvez pas fournir ses médicaments, vous ressentez toute sa douleur. »
Dans un appel à ne pas laisser les femmes et les filles disparaître dans l’ombre de certaines des crises les plus négligées du monde, l’UNFPA demande pour 2025 la somme de 45 millions de dollars pour continuer à fournir des services vitaux en Somalie, mais n’a reçu à ce jour que 3 % de ce montant. Les besoins restent extrêmement pressants, et la continuité des interventions est essentielle pour que les mères comme Faduma soient de plus en plus nombreuses à entendre le premier cri de leur nouveau-né·e.