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Les femmes fuient les atrocités d’El Fasher au Soudan mais vivent une nouvelle crise dans des camps surpeuplés

calendar_today05 Novembre 2025

A woman in red sits beside two of her children on a colorful blanket over sand. She speaks to a woman in a headscarf and badge.
Farha*, in red, is nine months pregnant and walked for seven days through the desert to reach Al Dabba after members of her family were killed in El Fasher. © UNFPA/Sufian Abdulmouty

TAWILA/AL DABBA, Soudan – La prise d’El Fasher, la capitale de l’État soudanais du Darfour du Nord, par les Forces de soutien rapide après plus de 530 jours de siège, de tirs et de bombardements, est à l’origine d’une nouvelle vague de violences brutales, provoquant un exode massif et emprisonnant les familles dans une situation désespérée. On signale toujours plus de violences sexuelles et d’exécutions atroces. 

Près de 71 000 personnes ont fui la ville en une semaine, grossissant les rangs des centaines de milliers d’autres déjà déplacées dans la région. Pour les femmes et les filles, le trajet vers des lieux comme Tawila et Al Dabba n’est pas une promesse de sécurité, mais une entreprise périlleuse pouvant les confronter à l’extorsion, au viol et à la mort.

Un paysage désertique avec des tentes de fortune à perte de vue, faites de couvertures et de piquets en bois.
La ville rurale de Tawila, autrefois petite, déborde. Les familles s’abritent dans des tentes de fortune ou dorment en plein air. © UNFPA Soudan 

Les cicatrices laissées par la fuite

Les survivantes qui ont atteint Tawila font à l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive, des récits de violences et de deuils terribles. 

« Ils ont tué mon mari sous mes yeux », déclare Asmaa*, 26 ans. « Il ne pouvait payer la rançon que pour moi et nos enfants. Ensuite, ils l’ont tué. » 

Les femmes et les filles font aussi face à la menace immédiate et permanente de violences sexuelles.

Salam*, 19 ans, raconte son agression extrêmement pénible pendant sa fuite : « ils m’ont demandé si j’étais vierge. Lorsque j’ai répondu oui, ils m’ont emmené dans leur bureau et m’ont violée avant de me laisser poursuivre mon chemin ». 

Salam a ensuite bénéficié de services de prise en charge des cas de viol auprès de partenaires de l’UNFPA à Tawila.

Une couverture, deux bidons, deux sacs en toile et une pastèque sont posés au sol, dans le sable, près d’une tente.
Des familles arrivent à Tawila après des jours de marche, avec seulement les habits qu’elles ont sur le dos, et le peu qu’elles ont pu emporter. © UNFPA Soudan 

Survivre, une lutte quotidienne

Pour celles qui arrivent à Al Dabba et à Tawila, le bref soulagement laisse rapidement la place à la dure réalité d’une lutte continue pour leur survie. Tawila, une ville rurale autrefois toute petite, à 50 km à l’ouest d’El Fasher, abritait déjà 652 000 personnes, déplacées par les attaques précédentes. 

L’afflux de population actuel a poussé les infrastructures bien au-delà de leurs capacités. Des tentes de fortune, lorsqu’elles existent, offrent une protection très minime contre la saison des pluies. 

De nombreuses familles dorment à la belle étoile, ce qui accroît les risques de violence, d’exploitation ou d’abus pour les femmes et les filles. Des latrines communes insuffisantes et l’absence d’intimité les contraignent également à chercher des lieux isolés, de nuit, ce qui multiplie encore les risques.

À Al Dabba, la faim et la maladie – notamment une flambée de choléra dans le pays – viennent rendre la crise encore plus mortelle. Les conditions de surpopulation dans les camps créent un contexte idéal pour la propagation de maladies évitables, ce qui menace la vie des plus vulnérables, notamment des femmes enceintes et des enfants.

Les survivantes parlent souvent de leur désespoir. 

Manasik*, 18 ans, est arrivée à Al Dabba après 12 jours d’un voyage épuisant. Elle a perdu son père et sa petite sœur de trois ans dans un tir de mortier à El Fasher. « Pendant neuf jours, nous n’avons rien mangé ni bu. Ici, même les toilettes ont un prix… Je me demande parfois si nous n’aurions pas dû rester essuyer les tirs de mortier et d’armes à feu. Peut-être que je n’aurais jamais dû partir. »

Un appel urgent à éviter d’autres souffrances

La crise a aussi privé les mères et les nouveau-nés de soins essentiels.

Farha*, 26 ans, enceinte de neuf mois, a marché dans le désert pendant sept jours pour rejoindre Al Dabba après que son mari, son père et ses frères ont été tués à El Fasher. Elle vit désormais près du mur d’un marché avec ses enfants. Elle a reçu une assistance sous forme d’espèces et de bons afin de lui permettre de bénéficier des soins maternels et néonatals lorsque le moment de l’accouchement sera venu.

Les équipes de l’UNFPA font en sorte que les services essentiels continuent à opérer, notamment par la gestion d’un établissement de soins obstétricaux et néonatals d’urgence à Tawila ouvert 24h/24, et de cinq espaces sûrs pour femmes et filles à Tawila et Al Dabba, qui proposent un soutien complet aux survivantes de violence basée sur le genre. 

Des sages-femmes, des travailleuses et travailleurs sociaux, des gestionnaires de dossiers et des équipes de soutien psychosocial ont été déployées afin d’assurer des services de santé maternelle, de protection et de santé mentale. Des médicaments de santé reproductive, notamment pour les soins obstétricaux d’urgence et la prise en charge clinique des cas de viol, ont été distribués à la maternité d’Al Dabba ; du matériel supplémentaire et des produits d’hygiène sont prépositionnés dans le Darfour du Sud.

Toutefois, l’ampleur de cette crise demande une action bien plus soutenue. Une intervention immédiate et unifiée est fondamentale, notamment pour assurer un accès humanitaire rapide et totalement libre permettant d’apporter une aide vitale. La communauté internationale doit également d’urgence augmenter son soutien financier pour empêcher un grand nombre de décès supplémentaires, qui sont évitables. 

*Les prénoms ont été changés pour garantir l’anonymat et la protection des personnes

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