BASSE, Gambie – Hulay Damba, 55 ans, a passé des années à pratiquer des mutilations génitales féminines sur les filles de sa communauté. Elle a hérité de son rôle de praticienne de sa grand-mère. « C’est ce qu’on m’avait enseigné », explique-t-elle.
Malgré des années de militantisme régulier en Gambie, les taux de mutilations génitales féminines restent élevés, même au sein des plus jeunes générations. Selon des données de 2021, presque trois quarts des filles âgées de 15 à 19 ans ont été victimes de mutilations génitales féminines, soit un chiffre à peu près proportionnel à celui des femmes de la génération précédente (âgées de 45 à 49 ans).
Les sondages menés auprès des mères montrent également des progrès mitigés : lorsqu’il a été demandé aux femmes dont les filles sont âgées de 25 ans ou moins si celles-ci avaient subi des MGF, 54 % ont déclaré non.
22 % affirment cependant que leurs filles ont non seulement été victimes de la pratique, mais que celle-ci leur a été infligée avant leur premier anniversaire.
Changer les mentalités
En Gambie, la plupart des filles victimes de mutilations génitales féminines subissent une ablation des chairs pendant la procédure. Environ 12 % sont suturées pour fermer leur orifice vaginal. Quasiment toutes endurent la pratique aux mains de praticiennes traditionnelles comme Mme Damba.
Mme Damba gagnait un revenu saisonnier régulier grâce à la procédure. « Je pensais que c’était respectable », témoigne-t-elle auprès de l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive.
Tout a changé il y a environ six ans, lorsqu’elle a assisté à une série de débats organisés par l’ONG Tostan, avec le soutien de l’Agence italienne pour la coopération au développement (AICS) facilité par l’UNFPA, portant sur les préjudices durables associés aux mutilations génitales féminines. Leurs répercussions incluent les hémorragies, les infections et même la mort.
« Avec le recul, j’aurais aimé savoir à l’époque ce que je sais aujourd’hui », affirme Mme Damba.
Aujourd’hui, elle fait partie d’un mouvement communautaire constitué d’anciennes praticiennes, de mères et de jeunes qui œuvrent pour mettre un terme à la pratique. « J’utilise désormais ma voix pour sensibiliser », explique-t-elle, « car chaque fille mérite de grandir en sécurité et intacte. »

Des conséquences lors de l’accouchement
Fatou* s’est entretenue avec l’UNFPA dans la quiétude du service de maternité de l’hôpital de district de Basse. À seulement 16 ans, elle tient dans ses bras son bébé, une petite fille, après un accouchement difficile.
Comme tant d’autres, Fatou a subi des mutilations génitales féminines, connues pour augmenter considérablement les risques liés à l’accouchement. Pour Fatou, le travail a été entravé par le tissu cicatriciel, dangereux tant pour sa vie que pour celle de son bébé.
Fort heureusement, une sage-femme a pu intervenir.
L’hôpital appartient à un réseau en pleine expansion d’établissements de santé. Ce réseau fait partie d’un programme de l’UNFPA, fondé par le projet d’AICS et soutenu par ChinaAid, qui assure des formations spécialisées permettant au personnel de santé de prendre en charge les répercussions des mutilations génitales féminines, entre autres services vitaux de santé sexuelle et reproductive.
D’autres mesures sont nécessaires
Pourtant, de nombreuses autres mesures sont nécessaires.
L’année dernière, le législateur a tenté, en vain, de légaliser les mutilations génitales féminines, interdites depuis 2015 en Gambie. Les filles, notamment les bébés, continuent de subir la procédure et de souffrir des conséquences.

Selon Fatou Baldeh, fondatrice de l’organisation locale Women in Liberation and Leadership, ce n’est pas un hasard si la pratique est en majeure partie infligée par des femmes âgées. « Les femmes restent à la fois victimes et exécutrices d’une tradition profondément violente, ancrée dans l’inégalité des genres », explique-t-elle. « Ces femmes ne sont pas de simples coupables, elles sont le produit d’un système qui enseigne dès la naissance que la douleur et le sacrifice font partie intégrante de la vie d’une femme. »
Ce dont nous avons besoin, ajoute-t-elle, c’est d’efforts pour « démanteler les structures qui font pression sur les femmes pour réaliser cet acte ».
Désormais, une nouvelle génération militante met tout en œuvre pour relever le défi. Ramata Baldeh, 18 ans, a subi des mutilations génitales féminines alors qu’elle était très jeune, mais déclare que la pratique s’arrête avec elle.
« Si j’ai un jour une fille, jamais je n’accepterai qu’elle traverse la même chose », affirme-t-elle. « Je veux qu’elle aille à l’école, qu’elle rêve, qu’elle choisisse sa voie. »
*Les prénoms ont été changés pour garantir l’anonymat et la protection des personnes