Actualités
Explications : comment la planification familiale sauve des vies
- 06 Février 2025
Actualités
NATIONS UNIES, New York – Lorsque la guerre déplace de force des dizaines de milliers de personnes, l’UNFPA, l’agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive, équipe les camps pour personnes déplacées et le personnel médical de produits vitaux : préservatifs, contraceptifs oraux et injectables, implants contraceptifs et dispositifs intra-utérins.
Lorsqu’un séisme provoque l’effondrement de pans entiers d’une ville, l’UNFPA dote les convois d’aide humanitaire de contraceptifs en plus des kits d’accouchement et des médicaments pour prévenir les hémorragies internes. Lorsqu’un cyclone s’abat sur des communautés insulaires isolées, l’UNFPA envoie aussi bien des contraceptifs que de l’équipement médical stérile.
Pourquoi ? Parce que les contraceptifs font partie des soins humanitaires vitaux. Cela peut sembler contre-intuitif à certaines personnes, mais c’est pourtant un fait établi par la médecine, les prestataires humanitaires et les femmes elles-mêmes. Et parce que même hors des contextes d’urgence, l’accès à des contraceptifs modernes et sûrs permet aux femmes de prendre leurs propres décisions en matière de fécondité, ce qui réduit le nombre de grossesses non intentionnelles et d’avortements non sécurisés, améliore les résultats de santé, diminue les risques de mortalité maternelle et infantile, et sauve donc des millions de vies.
Les grossesses ne cessent pas de se produire dans les contextes d’urgence
Même dans les meilleures circonstances, un nombre alarmant de femmes n’est pas en mesure de refuser un rapport sexuel : un quart d’entre elles, selon les données les plus récentes dont on dispose.
Mais en situation de crise humanitaire, les femmes sont confrontées à près de deux fois plus de violence basée sur le genre. Elles doivent faire face au viol comme arme de guerre et outil de génocide, mais aussi à un risque accru de violence exercée par un partenaire intime. Tout cela renforce leur vulnérabilité à une grossesse non intentionnelle.
Sakina Sani a été mariée lorsqu’elle avait 12 ans, c’est-à-dire lorsqu’elle était enfant, au milieu d’un conflit et de pénuries de nourriture dans le nord du Nigéria. Elle est tombée enceinte à 15 ans, mais a fait une fausse couche, puis a mis au monde deux enfants à très peu d’intervalle. « Je ne laisserai jamais ma fille vivre ce que j’ai connu », déclare-t-elle à l’UNFPA.
La planification familiale prévient les complications mortelles
On estime que plus de 60 % de la totalité des décès maternels se produisent dans les contextes humanitaires et fragiles, où les femmes peinent à avoir accès à une nutrition et des soins suffisants pour mener une grossesse à terme sans que cela ne menace leur santé. « De nombreuses femmes du nord-ouest de la Syrie perdent la vie pendant leur transfert entre deux hôpitaux, par manque de produits essentiels permettant de traiter les complications graves », explique à l’UNFPA le Dr Ikram Haboush, à Idlib (Syrie).
La contraception est parfois critiquée – à tort – parce qu’elle serait un médicament supplémentaire, qui serait antinaturel ou dont on connaîtrait mal les effets. À la vérité, des contraceptifs de toutes sortes existent depuis des millénaires, et les préservatifs depuis des centaines d’années. Quant aux contraceptifs modernes, ils font partie des médicaments les plus prescrits et les mieux étudiés qui existent.
Les contraceptifs ont fait l’objet d’investigations, pas uniquement par des pharmacologues et des chercheurs et chercheuses en médecine, mais aussi par des économistes de la santé, des épidémiologistes et des responsables politiques, et leurs conclusions sont nettes : en évitant les grossesses non intentionnelles, les contraceptifs évitent aux femmes de mourir.
Pour quelles raisons ? Chaque grossesse comporte un risque, et celles qui se produisent dans les contextes de crise, où les systèmes de santé sont à genoux et où les soins médicaux sont rares, sont particulièrement dangereuses. Les grossesses non intentionnelles sont aussi directement corrélées à des taux plus élevés de mortalité maternelle. « C’est pour cela que chaque programme de santé publique visant à réduire les décès maternels intègre la contraception comme l’un des piliers de son action », expliquent les expert·e·s.
En évitant les grossesses non intentionnelles, les contraceptifs réduisent aussi l’incidence des blessures et maladies maternelles, des mortinaissances et de la mortalité chez les nouveau-nés.
En 2023, le partenariat spécial de l’UNFPA intitulé Supplies a fourni pour 136 millions de dollars de contraceptifs, ce qui a permis selon les estimations d’éviter près de 10 millions de grossesses non intentionnelles et plus de 200 000 décès maternels et infantiles. On estime que ces contraceptifs ont aussi prévenu 3 millions d’avortements non sécurisés.
La planification familiale prévient des maladies dangereuses et des affections chroniques
Les contraceptifs comme les préservatifs masculins et féminins sauvent également des vies en réduisant les risques de contracter des infections sexuellement transmissibles, notamment le VIH. Même une IST traitable peut être dangereuse dans des contextes où l’accès aux soins médicaux est limité ; c’est le cas par exemple pour les femmes et les filles en Haïti, où des violences sexuelles omniprésentes et incessantes ont provoqué une forte augmentation des taux de grossesses non intentionnelles et d’IST, alors même que le système de santé s’est presque totalement effondré.
En Haïti, 3 % seulement des survivantes rapportent recevoir des soins post-viol dans les 72 heures suivant leur agression ; ces soins comprennent la contraception d’urgence afin d’éviter une grossesse et la prophylaxie post-exposition pour prévenir la transmission du VIH. Le Dr Justilien, psychologue dans un hôpital soutenu par l’UNFPA à Port-au-Prince, la capitale, explique qu’une prise en charge correcte par des agent·e·s de santé comprend « un soutien psychologique, une contraception d’urgence et le dépistage d’infections sexuellement transmissibles. »
Les contraceptifs traitent aussi des affections sans rapport avec l’activité sexuelle : plusieurs moyens de contraception sont ainsi largement prescrits pour d’autres problèmes de santé qui sont handicapants même dans des circonstances stables et sûres, tels que le syndrome des ovaires polykystiques, l’endométriose, la dysménorrhée et les saignements menstruels excessifs.
Pour certaines femmes, comme Omaira Opikuko en République bolivarienne du Venezuela, il est absolument évident que la contraception à long terme est essentielle : après son sixième accouchement, cela lui a sauvé la vie. Elle a souffert d’une hémorragie et d’un prolapsus utérin au cours du dernier accouchement qu’elle a connu. « J’ai bien failli mourir », déclare-t-elle.
Une intervention humanitaire rentable
En 2023, plus de 50 pays ayant reçu des fournitures contraceptives de la part de l’UNFPA ont collectivement économisé plus de 700 millions de dollars, car les frais de santé en matière de grossesse, d’accouchement et de soins post-avortement ont été réduits. De nombreuses études montrent que la planification familiale est un investissement fondamental dans une société, non seulement parce qu’elle permet d’éviter les grossesses non intentionnelles et les problèmes de santé maternelle qui les accompagnent, mais aussi parce qu’elle accroît les bénéfices pour les femmes en matière d’éducation et d’emploi.
Dans les contextes humanitaires, les contraceptifs sont d’autant plus essentiels qu’ils aident les femmes et les familles à survivre et à se stabiliser, ce qui les prépare mieux à se reconstruire.
Personne ne le sait mieux que les survivantes des crises humanitaires elles-mêmes : « nous avons une forte demande pour les services de planification familiale », affirme une agente d’intervention de l’UNFPA juste après un cyclone meurtrier.
Alors que le monde fait face à une précarité grandissante, à des catastrophes de plus en plus nombreuses et à des déplacements accrus, ces services sont un véritable phare dans la nuit pour les femmes et les filles. Comme le dit Mme Opikuko au Venezuela, « je ne veux plus avoir peur ».